Illustration carte blanche 22 01 2023

Crédit : MB photoarts, Freepik

 

Qui n’a pas été ému du décès de Sourour A., retrouvée morte récemment dans une cellule de commissariat à Bruxelles ? Nous nous joignons aux nombreuses personnes qui expriment leur soutien aux proches de cette femme qui n’aurait jamais dû mourir dans cette cellule.

Aujourd’hui, le Comité permanent de contrôle des services de police, appelé Comité P, chargé de surveiller le travail des forces de police, s’est lancé dans une enquête, afin d’établir si, dans cette tragédie, des responsabilités personnelles ou structurelles sont à établir.

Si l’on ne peut qu’attendre l’issue de cette enquête, de tels drames ne peuvent plus se produire. Nous, organisations signataires de ce texte, rappelons que cela fait 18 ans que la Belgique s’est engagée à mettre en place un mécanisme qui contrôlera de manière indépendante l’ensemble des lieux où des personnes sont privées de liberté : cellules de commissariat, prisons, fourgons de transfert de détenus, centres de détention administrative pour personnes migrantes, institutions publiques de protection de la jeunesse, maisons de repos, services de gériatrie, etc.

Or, bien que notre pays ait signé le Protocole facultatif à la Convention contre la torture (OPCAT), il ne l’a toujours pas ratifié et n’a pas mis en place de Mécanisme National de Prévention… à l’inverse de nombreux pays, dont la quasi-totalité des États européens. Pour être conforme à l’OPCAT, ce mécanisme devrait être indépendant, effectif et unique dans chaque État. Pourtant, le gouvernement fédéral belge prétexte que l’architecture institutionnelle est trop complexe pour mettre un tel mécanisme en place. Dès lors, il envisage d’établir une adresse unique pour l’organe chargé de ce mécanisme de prévention, mais qui renverrait ensuite les divers dossiers vers des organismes déjà existants et dont la prévention n’est pas le cœur de métier.

Une telle interprétation du Mécanisme National de Prévention n‘est pas conforme au prescrit de l’OPCAT. En effet, un mécanisme national indépendant doit, notamment, organiser des visites d’experts au sein des lieux où des personnes sont privées de liberté, en annonçant sa visite ou pas, et en veillant à ce que les critères de contrôle et la culture de prévention soit uniformes à l’échelle de tous les lieux, dans l’ensemble du pays. Au lieu de faire du « curatif » (par exemple, gérer des plaintes ou faire de la médiation), un mécanisme de prévention tente, sans nier la nécessité des autres fonctions, de considérer les problèmes à leur source et d’induire de l’équité. C’est ce que nous, organisations signataires de ce texte, réclamons depuis de nombreuses années.

Les responsables politiques aux différents niveaux de pouvoir du pays semblent surtout craindre un hypothétique refus de la part de certains partis qui seraient réticents à créer un tel mécanisme en Belgique.

Pourtant, en plus des décès suspects qui ont eu lieu dans des lieux de privation de liberté non contrôlés de manière indépendante, de nombreux signalements pour traitements cruels, inhumains ou dégradants sont relayés chaque année auprès d’organisations de la société civile. Ceux-ci sont portés, à la connaissance d’institutions internationales comme l’ONU et le Conseil de l’Europe, et dans presque tous les examens périodiques universels, l’État belge se fait épingler par les experts internationaux pour son manque de diligence à ce sujet.

Si nul ne peut affirmer que le Mécanisme National de Prévention aurait pu prévenir le décès de Sourour A., les faits sont interpellants : ce décès est le troisième dans ce commissariat et aucun organisme national n’est habilité à effectuer de contrôle préventif dans ce lieu de privation de liberté.

Il faut souligner que les Mécanismes Nationaux de Prévention sont une bonne chose pour les personnes privées de liberté, bien sûr, mais aussi pour les structures privatives de liberté elles-mêmes, puisque les contrôles garantissent que les conditions de détention soient conformes au droit national.

Il y a urgence à mettre en place un organe de prévention unique, indépendant, professionnel et adéquatement financé. Les scénarios actuellement à l’étude doivent être évalués uniquement à l’aune du traité international OPCAT. Ce n’est qu’alors que pourra être mené un véritable travail de prévention et que pourront être évitées, espérons-le, de telles tragédies.

 

>> Pour en savoir plus sur l’OPCAT

 

Signataires:

Coalition Move

Ligue des Droits Humains

Défense des Enfants International – Belgique

Centre d’Action Laïque

Gang des Vieux en Colère

I.CARE

Observatoire International des Prisons – Belgique

ACAT-Belgique