Exploitation sexuelle Canva

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En 2020, plus de 15.000 personnes étaient reconnues victimes de traite des êtres humains en Europe, dont 29% exploitées à des fins sexuelles. Plus de 40% de ces victimes étaient des enfants (UNODC, 2022) En 2022, les Nations-Unies déclaraient la lutte contre l’exploitation sexuelle comme une urgence mondiale.

Les données publiées sur l’exploitation sexuelle et la traite sont alarmantes et ne reflètent qu’une partie de la réalité. En effet, le nombre total de victimes d’exploitation sexuelle est sous-estimé du fait des difficultés de signalement, du manque de formations des professionnel·le·s pour détecter les cas et de la méconnaissance du phénomène en général. En 2022, ECPAT-Belgique, en partenariat avec DEI-Belgique, a publié une étude qui souligne qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), très peu de données sont disponibles quant au phénomène d’exploitation sexuelle des mineur·e·s.

Témoignages de terrain

Cette étude, commanditée par deux cabinets ministériels de la FWB, a recueilli les témoignages de plus d’une cinquantaine d’acteurs·trices de terrain issu·e·s des secteurs de la justice, de la police, et des milieux associatif et institutionnel qui expliquent que le phénomène d’exploitation sexuelle en FWB est en augmentation. Ils et elles racontent :

"[Les filles] commencent de plus en plus jeunes, on est aux alentours de 13, 14 ans. La plus jeune qu’on a eu, elle est entrée en prostitution à 12 ans" - Association accueil de mineur·e·s
"Selon notre équipe gare du Midi, il y en a au moins 7 sur 10 qui vivent de l’exploitation sur leur parcours (exploitation sexuelle étant la principale), dans les MENA qu’on rencontre" - Association accueil de mineur·e·s

Cette approche holistique a permis de mettre en évidence les lacunes quant à la détection et la prise en charge des victimes d’exploitation sexuelle en FWB, notamment :

  • il n’existe pas d’outils harmonisés et ventilés pour recenser les cas d’exploitation sexuelle;
  • les procédures existantes sont inadaptées aux besoins de détection et de prise en charge des victimes ;
  • il n’existe que trop peu de formations pour les acteurs·trices de terrain.
"On n’est jamais assez outillés. La formation continue est essentielle, ainsi qu’une bonne connaissance des acteurs clés. Après on a surtout un manque de moyens et d’effectifs, on est débordé·e·s, on a très souvent des cas urgents à gérer" -  Service institutionnel

À la suite de ces à ces constats, nous avons émis et portés des recommandations avec ECPAT-Belgique et plusieurs organisations dont Esperanto, la fondation Samilia et Child Focus, devant les cabinets concernés pour demander leur mise en œuvre.

La lutte contre l’exploitation sexuelle et la traite des enfants doit être une priorité absolue à tous les niveaux de pouvoir. Les cabinets ont une responsabilité vis-à-vis de ces constats, de la mise en œuvre des recommandations et, plus largement, de la protection des enfants. Cette responsabilité est d’ailleurs soulignée par la Commission parlementaire traite du Parlement Fédéral, dont les recommandations ont été remises en juin 2023.

J’entends une voiture qui s’arrête très brusquement. Trois personnes en sortent et me balancent à l’intérieur comme un animal. A partir de là, je ne savais pas où j’étais, ce qui se passait. Après avoir été violée, maltraitée et battue, on m’a dit que je devais me prostituer. – Témoignages de mineures victimes d’exploitation sexuelle recueillis par ECPAT France

Recommandations

Nous appelons les autorités compétentes à mettre en œuvre les éléments suivants :

  • Assurer une cohérence entre les niveaux de pouvoir dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineur·e·s.
  • Encourager une coordination et une coopération solides entre les professionnel·le·s luttant contre la traite des êtres humains (au niveau fédéral), les professionnel·les de l’Aide et de la protection de la jeunesse (dévolues au niveau des communautés), et ceux·celles du secteur de la migration.
  • Établir des canaux de communication efficaces entre toutes les structures pouvant faire face à des cas d’exploitation sexuelle et de traite chez les mineur·e·s.
  • Créer des outils de recensement ou améliorer les méthodes de recensement des cas suspectés ou avérés d’exploitation sexuelle au niveau de la Police, de la Justice, de l’Aide à la jeunesse et des associations de terrain.
  • Rendre obligatoires les formations sur l’exploitation sexuelle et la traite des êtres humains pour les acteur·trices de première ligne (police, Justice, associations de terrain) et les travailleurs·euses dans tous les services de l’Aide et la protection de la Jeunesse et liés à la prise en charge de mineur·e·s en danger.
  • Accorder aux mineur·e·s étranger·ère·s victimes de traite un permis de séjour sur la base de l’examen et la prise en compte de leur intérêt supérieur en tant qu’enfants, plutôt que de leur volonté/capacité à couper contact avec leurs exploitant·e·s.
  • Clarifier la circulaire de 2016 et que les professionnel·le·s en soient informé·e·s. En particulier, supprimer l’obligation légale pour les mineur·e·s de coopérer avec les autorités dans le cadre des procédures pénales contre les exploitant·e·s présumé·e·s et ainsi mettre en œuvre le droit international, notamment la Directive européenne 2011/36.
  • Créer un groupe spécial de tuteurs·trices et avocat·e·s expérimenté·e·s sur cette thématique qui pourraient être affecté·e·s aux mineur·e·s potentiellement victimes de la traite et servir de groupe de référence aux autres professionnel·le·s confronté·e·s à ces cas.
  • Mettre en œuvre l’obligation de signaler la disparition d’un MENA ou d’un·e mineur·e en migration par les centres d’hébergement des mineur·e·s en demande d’asile.

>> Lire l'étude complète

 

Questions/réponses

Qu’est-ce que l’exploitation sexuelle ?

Un·e enfant est victime d’exploitation sexuelle lorsqu’il·elle est contraint·e de se livrer à une activité sexuelle en échange d’une contrepartie, telle qu’un gain ou un bénéfice, ou la promesse d’un gain ou d’un bénéfice, de nature pécuniaire ou sous la forme d’un avantage perçu par une tierce personne, l’agresseur·e ou l’enfant lui-même.

L’enfant peut être contraint·e par la force physique ou les menaces. Certain·e·s enfants se trouvent dans des situations qui les rendent plus vulnérables, comme la pauvreté, les abus, la négligence, ou encore le fait d’être non accompagné·e ou de vivre dans la rue.

Quid de l’exploitation en ligne ?

L’exploitation sexuelle peut également avoir lieu en ligne, ce qui est de plus en plus courant en raison de l’évolution rapide des technologies de l’information et de la communication.

Est-ce que les victimes d’exploitation sexuelle sont toujours des mineur·e·s étranger·ère·s ?

Non. Bien que les mineur·e·s étranger·ère·s non-accompagné·e·s (MENA) soient particulièrement vulnérables en raison d’une précarité exacerbée, chaque enfant peut être victime d’exploitation sexuelle, surtout s’il·elle se trouve en situation de vulnérabilité. L’utilisation de plus en plus fréquente d’Internet rend également tou·te·s les enfants plus exposé·e·s au risque d’exploitation sexuelle.

Quelle est la différence entre l’exploitation sexuelle et la traite des êtres humains ?

L’exploitation sexuelle n’induit pas nécessairement des faits liés à la traite des êtres humains. La traite des êtres humains est caractérisée par trois éléments constitutifs : une action, un but et un moyen.

  • L’action : recruter, transporter, transférer, héberger, accueillir une personne, prendre ou transférer le contrôle exercé sur elle dans un but d’exploitation.
  • Le but : exploiter l’individu par le travail forcé, l’exploitation sexuelle, l’esclavage ou une pratique analogue à l’esclavage, la servitude domestique, le prélèvement et le trafic d’organe, la mendicité forcée ou encore certaines formes de mariage forcé.
  • Le moyen: généralement la force, la menace, la contrainte, la tromperie, la fraude sur les réseaux sociaux ou encore l’abus d’autorité.

La différence entre les deux phénomènes repose donc dans le fait que la traite des êtres humains peut avoir plusieurs finalités dont l’exploitation sexuelle, tout comme l’exploitation sexuelle peut avoir lieu dans un contexte qui n’est pas celui de la traite des êtres humains. [1] >> Consultez à ce sujet le Guide de Terminologie pour la Protection des Enfants contre l’Exploitation et l’Abus Sexuels, 2016

Qu’est-ce que la « procédure traite » ?

Il s’agit d’une procédure de protection spécifiquement dédiée aux victimes de la traite des êtres humains et/ou de certaines formes aggravées de trafic des êtres humains. Elle organise l’orientation des victimes au niveau national belge, en apportant une assistance à ces dernières et en renforçant les possibilités de lutter contre les auteurs·trices de traite ou de trafic des êtres humains.

Pour accéder à cette procédure, trois conditions cumulatives doivent être remplies (Circulaire du 23 décembre 2016) : 

  • Rompre les contacts avec la·le ou les auteur(s)·trice(s) présumé·e(s) ;
  • Faire l’objet d’un accompagnement obligatoire par un centre d’accueil spécialisé reconnu ;
  • Coopérer avec les autorités judiciaires en faisant des déclarations ou en déposant plainte.

Pourquoi faudrait-il mettre en place une procédure spécifique à l’exploitation sexuelle ?

L’exploitation sexuelle est différente de la traite des êtres humains (voir question ci-dessus). Une victime d’exploitation sexuelle n’est donc pas nécessairement victime de traite des êtres humains. Il est donc difficile pour les victimes d'exploitation sexuelle de répondre aux critères nécessaires pour obtenir le statut de « victime de la traite des êtres humains ». Il est donc indispensable d’adopter une afin que chaque victime soit protégée.


[1] ECPAT France, 2022