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Crédits: photo libre de droit, Creative Commons

Les enfants sont amené·e·s à entrer en contact avec la justice dans divers contextes : notamment parce qu’ils·elles ont besoin de protection, sont victimes ou témoins, sont suspecté·e·s d’avoir commis une infraction, dans certains cas lorsque leurs parents se séparent ou encore pour des raisons liées à leur séjour. Dans ces situations, les enfants sont alors souvent propulsé·e·s dans un univers d’adultes qui ne les comprend parfois pas bien et qu’ils·elles ne comprennent pas assez. C’est donc une justice sur laquelle ils·elles ne peuvent pas toujours compter pour que leurs droits soient effectifs, pas toujours à même de les protéger ou même source de victimisation secondaire. Une justice adaptée aux enfants est indispensable.

Les enfants en conflit avec la loi sont aussi dans une situation de vulnérabilité importante et ont droit à la protection de l’État. Ils·elles doivent être traité·e·s de manière spécifique, différemment des adultes. Leurs besoins et vulnérabilités spécifiques doivent être pris en compte de manière individualisée.

DEI-Belgique appelle l’État Belge à mettre en œuvre les lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur une justice adaptée aux enfants qui reconnaissent notamment le droit à une aide juridique adaptée et de qualité pour tout·e enfant. Il s’agit notamment de former (formation de base et continue) les avocat·e·s et tous·toutes professionnel·le·s de la justice aux droits des enfants et aux compétences non-techniques comme la communication avec des enfants et des notions de développement de l’enfant.

Seul·e un·e jeune sur cinq se dit suffisamment informé·e sur la justice

DEI-Belgique et le Forum des Jeunes ont collecté la parole des jeunes pour connaître leur avis sur la justice. Seul·e 1 jeune sur 5 se dit suffisamment informé·e sur la justice, son rôle et fonctionnement. Plus de la moitié (55,6%) des jeunes interrogé·e·s disent ne pas avoir été bien préparé·e·s avant leur audience.

>> Lire l’avis  ‘Vous avez dit Justice’

Une procédure adaptée

Aujourd’hui encore trop de mesures prises envers des mineur·e·s ne sont pas individualisées, ni adaptées à leur âge. C’est notamment le cas s’il y a dessaisissement, c’est-à-dire qu’un·e juge de la jeunesse se dessaisit du dossier d'un·e jeune et le·la renvoie alors devant la justice des adultes. C’est aussi le cas pour les sanctions administratives communales.

Des mesures éducatives

DEI-Belgique appelle l’État à garantir que les mesures prises par les juges de la jeunesse donnent réellement la priorité à la réintégration, aux mesures éducatives et restauratrices et visent avant tout à éduquer le·la jeune et pas seulement à le·la punir.

Des enfants privés de liberté

Alors qu’on ne devrait pouvoir priver un enfant de sa liberté qu’en dernier ressort et pour une durée aussi courte que possible (article 37 de la CIDE), l’étude mondiale sur les enfants privé·e·s de liberté présentée à l’Assemblée Générale des Nations Unies en octobre 2019 montre que ce n’est pas le cas dans les faits.

Entre 1,3 et 1,5 millions d’enfants sont privé·e·s de liberté chaque année dans le monde, notamment s’ils·elles sont accusé·e·s ou condamné·e·s pour une infraction, s’ils·elles sont bébés et vivent en prison avec leur mère, s’ils·elles sont placé·e·s en institution ou encore pour des raisons liées à la migration.

Le rapport sur la Belgique remis par l’État en septembre 2018 révèle entre autres qu’environ 1700 jeunes ont été détenu·e·s en Institutions Publiques de Protection de la Jeunesse (IPPJ) ou en Gemeenschapsinstellingen (GI) chaque année entre 2013 et 2016 parce qu’ils·elles ont été accusé·e·s ou condamné·e·s pour une infraction.

La Belgique doit agir tant au niveau national qu’international pour garantir une réduction effective du nombre d’enfants privés de liberté. Détenir un enfant est une violence. Un enfant en détention est dans une situation de vulnérabilité accrue de violations de ses droits fondamentaux.

Je n’ai pas eu l’occasion de parler, en fait tu entres dans la salle, tu t’assieds, le juge te demande pourquoi tu as fait ça, tu essaies de répondre, tu ne sais pas forcément le faire, il commence à s’énerver, puis il donne la parole à l’avocat, puis l’avocat parle, puis il prend sa décision. – A., témoignage issu du rapport "Vous avez dit justice?"

C’est très difficile de comprendre toutes les informations reçues, les professionnel·le·s, surtout la juge, s’expliquent de manière complexe. – H. témoignage issu du rapport "Vous avez dit justice?"

Recommandations

Au niveau fédéral

  • Former les avocat·e·s et de la justice aux droits de l’enfant et aux compétences non-techniques comme la communication avec des enfants et des notions de développement de l’enfant grâce à une formation obligatoire de base et continue.
  • Garantir le droit à une aide juridique gratuite et de qualité pour les enfants arrêté·e·s par la police, convoqué·e·s devant un·e juge, ou plus généralement, confronté·e·s à des difficultés. Cela comprend le droit d’avoir un·e avocat·e différent·e de ses parents. Cela implique notamment de garantir une aide juridique de qualité dans les zones plus rurales.
  • Garantir que tout enfant soupçonné·e d’infraction de roulage soit jugé·e par une juridiction spécialisée, c’est-à-dire le Tribunal de la jeunesse plutôt que par le Tribunal de police. Il faut donc abroger l’article 36bis de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineur·e·s qui ont commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait.
  • Réduire effectivement le nombre d’enfants détenu·e·s:

Au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles

  • Réformer les législations communautaires concernant la protection de la jeunesse pour mettre fin au dessaisissement.

Questions/réponses

Qu’est-ce qu’un·e enfant en conflit avec la loi ?

Un « enfant en conflit avec la loi » est une personne qui a atteint l’âge minimum de responsabilité pénale mais qui n’a pas encore l’âge de la majorité pénale et a donc moins de 18 ans, et qui est soupçonné·e ou accusé·e d’avoir commis un délit en vertu des lois pénales nationales (CRC/C/GC/24). L’âge qui doit être pris en considération pour déterminer si un enfant est en conflit avec la loi est au plus tard l’âge qu’il·elle avait au moment où le délit a été commis.

Qu’est-ce que l’âge minimum de responsabilité pénale ?

L’âge de la responsabilité pénale est l’âge qu’une personne atteint lorsqu’elle est présumée avoir la capacité de comprendre les conséquences de ses actes et donc d’être jugée par une juridiction pénale ou une autre autorité compétente. Selon l’article 40.3 (a) de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), les États parties à la Convention sont encouragés à établir « un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale ». Cependant, le Comité des droits de l’enfant considère que mettre cet âge en dessous de 12 ans n’est pas acceptable.

Qu’est-ce qu'un système de justice adapté aux enfants ?

L’article 40.3 de la CIDE prévoit que « Les États parties s’efforcent de promouvoir l’adoption de lois, de procédures, la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale ».

Quels sont les principes de la justice adaptée aux enfants ?

Les 4 principes généraux des droits de l’enfant s’appliquent aux enfants en conflit avec la loi :

  1. Le principe de non-discrimination (CIDE, art. 2) ;
  2. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant (CIDE, art. 3) ;
  3. Le droit à la vie, à la survie et au développement (CIDE, art. 6) ;
  4. Le droit d’être entendu (CIDE, art. 12).

Les articles 37 et 40 de la CIDE sont spécifiquement consacrés à la question de la justice adaptée aux enfants. Ils énumèrent les droits importants des enfants en conflit avec la loi. Il s’agit notamment :

  • de prévoir de priver un·e enfant de sa liberté uniquement en dernier ressort,
  • du fait que les enfants ont le droit d’être séparé·e·s des adultes s’ils·sont privés de liberté,
  • du fait que les enfants ont le droit d’accéder à un·e avocat·e,
  • ainsi que tous les autres droits procéduraux relatifs à un procès équitable et qui s’appliquent également aux adultes.

L’enfant en conflit avec la loi a-t-il·elle le droit d’être accompagné·e par un avocat·e spécialisé·e ?

Dans son préambule, la CIDE précise : « L’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance ». L’avocat·e de l’enfant doit avoir les mêmes qualifications que l’avocat pour adultes mais adapter son rôle et agir différemment en fonction de l’âge, de la maturité de l’enfant et de ses droits spécifiques en tant qu’enfant en conflit avec la loi.

Qu'est-ce que le dessaisissement ?

Lorsque les enfants de plus de 16 ans sont auteurs·trices d’un « fait qualifié infraction », la Belgique permet encore de les renvoyer devant des juridictions pour adultes. Pourtant, cela a été critiqué de nombreuses fois par des instances internationales. Le « dessaisissement » est donc la possibilité laissée au juge de la jeunesse de se dessaisir d’une affaire qui concerne un·e mineur·e qui avait entre 16 et 18 ans au moment des faits et de l’envoyer vers une autre juridiction qui le·la jugera comme s’il·elle était adulte, selon le droit et la procédure pénale. Cela se fait soit sous certaines conditions (gravité des faits, adéquation des mesures et personnalité du jeune) soit automatiquement s’il s’agit d’une d’infraction de roulage. Dans ce cas, le juge de la jeunesse est automatiquement dessaisi.

Qu'entend-on par « détention comme mesure de dernier ressort » ?

Détenir un enfant est une violence. Un enfant en détention est dans une situation de vulnérabilité accrue de violations de ses droits fondamentaux. Selon l'article 37 de la CIDE et l’article 10 de la Directive EU 2016/800 on ne devrait pouvoir priver un enfant de sa liberté qu’en dernier ressort et pour une durée aussi courte que possible. Cela signifie qu'un·e juge doit d'abord examiner toutes les mesures qui ne privent pas de liberté avant de procéder au placement en détention et privilégier la justice restauratrice et les modalités de conciliation

>> Lire à ce sujet :

Pour aller plus loin

Le sujet vous intéresse? Voici quelques ressources

Publiées par DEI-Belgique

Dans le cadre du projet Améliorer l'assistance juridique pour les enfants en conflit avec la loi | LA CHILD

Dans le cadre du projet Renforcer l’assistance juridique pour les enfants en Europe | Clear Rights

Dans le cadre du projet Améliorer les mécanismes de surveillance des lieux où des enfants sont privés de liberté | Children’s Rights Behind Bars

Dans le cadre du projet Une justice à l’écoute des jeunes | YouthLab

Publiées par d'autres