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Crédits: image libre de droit - Canva

La nouvelle politique migratoire fait déjà sentir ses effets. Depuis sa mise en œuvre, plusieurs familles avec de jeunes enfants, voire des bébés, se sont retrouvées à la rue. Cette nouvelle politique est toutefois illégale mais la Ministre n’entend pas fléchir. Résultat : douze enfants, dont quatre bébés d’à peine un an, sont contraints de dormir sous des tentes dans les rues de notre pays. Une dure réalité qui soulève la question de savoir jusqu’où nous sommes prêts à aller.

C’est la fable de la grenouille dans la marmite. Imaginons une marmite remplie d’eau froide, dans laquelle nage tranquillement une grenouille. Le feu est allumé sous la marmite, l’eau chauffe doucement. La température est agréable, la grenouille continue de nager. En réalité, elle ne se rend pas compte du danger... et finit par cuire.

L’habituation lente aux violations successives des droits humains et de l’état de droit est un danger au moins aussi grand que les violations elles-mêmes. A chaque nouvelle ligne rouge franchie, une petite voix rassurante nous susurre que ce sera la dernière. Mais il n’en est rien. 

Certes, on s’était presque habitué au fait que l’Etat belge continue de ne pas respecter des milliers de décision de justice prises pour défaut de respect de la loi en matière d’accueil des demandeurs d’asile.

Mais un consensus relativement large existait sur le fait que des enfants ne pouvaient se retrouver contraints de vivre dans la rue.

Cette forme d’interdit touchant aux droits les plus fondamentaux des enfants vient d’être transgressé durant cet été.

Une nouvelle loi prévoit que certains demandeurs d’asile n’auront plus le droit d’être accueillis en Belgique. Ceux qui sont déjà reconnus réfugiés dans un autre Etat membre de l’Union européenne.

La Ministre de l’Asile et de la Migration justifie cette mesure par la nécessité de la fin du « shopping d’asile ». Cette justification est indécente, tant les conditions de vie des personnes reconnues réfugiées dans d’autres pays de l’Union européenne - en Grèce notamment - sont indignes (pas d’accès au travail, au logement, aux soins de santé, violence, pauvreté, racisme). Cette nouvelle loi va être contestée devant la Cour constitutionnelle.

La loi prévoit une exception pour les personnes vulnérables, parmi lesquelles les enfants.

Pourtant, depuis le 2 août, six familles avec enfants sont en rue. Il y a douze enfants qui dorment dans la rue, dans notre pays, dans des tentes parsemées dans la capitale. Quatre bébés d’un an. Des enfants de trois, quatre, cinq ans.

L’intérêt supérieur des enfants mineurs a toujours mené, en Belgique, à appliquer les exceptions aux règles générales. En matière de droits des étrangers aussi : dans notre pays, tous les étrangers avec enfants mineurs ont droit à un hébergement - les étrangers en séjour illégal (ceux qui n’ont aucune procédure de régularisation en cours, ceux qui ne sollicitent pas la protection internationale) aussi.

Parce qu’un enfant n’a rien à faire en rue. Il n’a rien décidé. Il n’a rien choisi. Il est petit. Il ne comprend pas. Sa place n’est pas dans une tente, la nuit, dans la rue. Il ne devrait pas avoir froid et faim. Pas chez nous.

Un enfant est un enfant.

Dans toutes les législations, des exceptions existent pour préserver les enfants. La nouvelle politique de la Ministre de l’Asile et de la Migration ne les respecte pas. Ce n’est pas « être guidé par ses émotions » que de le dire : une ligne rouge vient d’être franchie dans notre pays.

La température de l’eau de la marmite continue à augmenter, elle nous engourdit. Il est temps de réagir, avant qu’il ne soit trop tard.

Une carte blanche écrite par Estelle Didi et Thomas Mitevoy et co-signée par:

  • OBFG - Ordre des barreaux francophones et germanophone
  • Défense des Enfants International Belgique
  • Délégué Général aux droits de l'enfant (DGDE)
  • ADDE Association pour le droit des étrangers
  • Ligue des familles
  • BelRefugees
  • CIRE asbl
  • Ligue des droits humains
  • NANSEN asbl
  • The Belgian Refugee Council
  • Kif Kif vzw
  • Syndicat des Avocats pour la Démocratie
  • Ulysse SSM – Service de santé mentale

Et 451 citoyen·nes.

Publiée dans le journal Le Soir et dans le périodique Knack